L’auteur : Sophie Geffrotin est élève-administratrice territoriale à l’INET. Elle vit à La Réunion, et s’intéresse particulièrement au développement de cette société et de ce territoire. Elle profite de ce temps de détachement loin de son île pour (re)découvrir la diversité et la richesse des territoires et terroirs de France. Elle a fait son stage d’ouverture dans un parc de loisirs tout proche d’Avignon. 

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J’ai voulu danser sur le pont d’Avignon, mais j’ai failli tomber ! Le pont est cassé, il s’arrête net après 3 arches… La faute au Rhône, un peu trop violent… J’étais déçue bien sûr, un pont avec une telle renommée qui ne fait même pas le service minimum, relier d’une rive à l’autre. Du coup, c’est un pont qui ne sert à rien. Ou plutôt à rien d’autre qu’à faire beau. Après tout, pourquoi devrait-on toujours être utile ? Trois élégantes voutes qui s’élancent sur le fleuve. Rythme, harmonie, instant de grâce où l’on se suspend, juste à contempler ces vieilles piles de pierre qui nous disent l’épaisseur du temps, et cette eau jeune qui s’écoule entre elles, qui nous dit son évanescence.

J’ai pas pu danser, alors j’ai couru. Le long des remparts de pierre blancs et majestueux, séquencés par leurs tours de garde crénelées, j’ai fait le tour de la ville. Et j’ai couru à l’intérieur, foulant un pavage de galets ronds, arpentant les ruelles trop étroites pour que les voitures les envahissent, ouvrant sur des places et des églises. Quel patrimoine ! Hôtels particuliers et immeubles populaires se côtoient. La cité transpire son histoire papale dans ses pierres, dans ses noms. J’ai croisé beaucoup de musulmans. C’est drôle ça : une ville catholique habitée par des musulmans.

Je suis arrivée devant le Palais des Papes. Une immense place dominée par cet impressionnant château fortifié. J’ai fait quelque entraînement cardio en poursuivant ma course au sommet du rochet des doms. Arrivée là-haut, j’avais soif, j’ai contemplé la plaine. Le Rhône. Le Mont Ventoux au fond et les dentelles de Montmirail. Les villages perchés sur les coteaux du Rhône, qui ont tous des noms de bon vin, Châteauneuf du Pape, Gigondas, Beaumes de Venise.

Dans Avignon j’ai couru.

Et d’un coup, je me suis arrêtée. Stoppée dans mon élan, par un mystérieux saisissement. Dans une gorge étroite taillée dans le roc blanc et fort, surmontée d’un très haut mur de château, enjambée d’un énorme contrefort de pierre taillée. Je me suis trouvée très petite sous cette puissance incarnée et rassurante. Le ciel si haut, si loin, et le regard qui ne peut que s’élever.

Et j’ai repris ma course, de ruelle en ruelle, de théâtre en théâtre, d’église en église, jusqu’à me cogner aux remparts. J’ai longé, j’ai trouvé une petite porte. Et je suis ressortie.

Dans Avignon j’ai couru.

Dans Avignon j’ai couru