Les stages sont une période privilégiée pour découvrir un territoire et ses particularités. Lors d’un stage en Bretagne, un élève administrateur est parti dans les landes à la rencontre des engoulevents. Il nous raconte cette soirée d’observation.

En stage au conseil départemental (CD) d’Ille et Vilaine, je reçois un mail intriguant de ma tutrice « Si ça t’intéresse, ça peut être amusant ». Transféré par une chargée de mission des espaces naturels sensibles, le mail propose une sortie nocturne en forêt la semaine du 23 juin pour … aller compter les engoulevents.
Première question : c’est quoi un engoulevent ?
Et là, merci le moteur de recherche, c’est un oiseau de la famille des caprimulgidae, crépusculaire et nocturne. Dans le corps du mail, un lien vers son chant : un bruit bizarre qui ressemble à un son de batracien mélangé avec le son que ferait une mobylette qui démarre.
Je m’inscris et, après accord, je transfère la proposition aux deux autres stagiaires de l’INET présents au CD.
Sortie estivale nocturne
Le rendez-vous est fixé au 24 juin. Pas de pluie et il fait chaud : la météo le permet ce soir-là. Lampe torche, pique-nique, bonnes chaussures, nous sommes parés. On se retrouve à 20h au parking du CD, puis on part en covoiturage avec l’organisatrice, qui en profite pour nous raconter le contexte et son rôle au sein de l’administration.
Depuis 2017, il n’y a pas eu de comptage des engoulevents sur le site de la vallée du Canut. Il faut donc mettre à jour les données pour savoir si les populations de cet oiseau migrateur se portent bien. Le site, composé de landes sèches, est protégé et entretenu depuis plusieurs années par le service pour préserver cet habitat fragile. La conversation s’élargit rapidement aux enjeux de la conservation de la biodiversité et de la difficile conciliation entre protection et accès à la nature.
Une observation bien rodée
Onze participants et participantes à la soirée arrivent les uns après les autres. Quatre binômes sont formés, mélangeant novices et personnes expérimentées. Et nous sommes répartis par secteur avec des plans. L’objectif : être sur zone à 22h, au moment du coucher du soleil, pour commencer 15 minutes après à arpenter pendant une heure le périmètre. A notre disposition, nous avons une carte des lieux et des stylos pour noter les zones où nous entendons chanter les engoulevents et pour noter les observations.
Le vol de l’engoulevent nous est décrit comme une feuille emportée dans le vent, un spectacle unique et fascinant. Prometteur.
Après un diner sur l’herbe à côté du parking à recevoir les explications et pour poser nos questions, nous partons chacun avec nos binômes sur les sites.
La zone où je suis affecté est une lande sèche entourée par la forêt. Je suis en short et arrivé sur site je comprends très vite que ce n’est pas la meilleure idée du monde. Les landes sont composées de bruyères et d’ajoncs. Pas de chemin. Les ajoncs ça pique. Il me faut dix minutes pour comprendre comment marcher sans trop me faire lacérer les jambes.
Le lieu est absolument magnifique ; un promontoire rocheux, de végétation basse et la cime des arbres tout autour comme une mer de verdure. La lumière rasante du soleil contribue à l’atmosphère féérique de l’endroit. Je m’attends presque à voir sortir les korrigans et danser les elfes.
Nous commençons à arpenter la nuit
Le coucher du soleil est le moment où les oiseaux de jour s’installent pour la nuit. Le bruit de leurs pépiements est assourdissant et résonne tout autour de nous. Nous commençons à arpenter notre périmètre quand la pénombre s’étend et que le silence se fait progressivement.
Nous faisons des haltes régulièrement. Très vite le premier cri de l’engoulevent se fait entendre. La satisfaction de la mission accomplie et d’avoir la chance d’en entendre un est présente. Et soudain, un oiseau au vol élégant et délicat nous survole. C’est un engoulevent. Il semble nous observer autant que nous l’observons.
Au final nous en entendrons plusieurs mais tous hors du périmètre de notre zone donc à ne pas compter. Et nous en verrons deux.
Retour sur le parking et debriefing
Tout le monde a pu entendre ou observer un engoulevement. Les premiers chiffres remontés montrent que la population va bien et a augmenté depuis le dernier comptage. Une bonne nouvelle pour la biodiversité et qui montre que la protection peut inverser une tendance négative.